Jezennemours by S. Mercier

Jezennemours by S. Mercier

Auteur:S. Mercier
La langue: fra
Format: epub
Tags: Literature
Éditeur: eBooksLib
Publié: 2001-12-01T16:00:00+00:00


CHAPITRE 37

départ qui sera suivi de regrets.

Le point du jour nous vint annoncer l'instant du départ. Je donnai le bras à Suzanne. Comme elle étoit tremblante malgré son courage ! Elle fondit en larmes en jetant un dernier regard sur la maison où son pere étoit encore plongé dans le sommeil. Elle s'arrêta. -ô mon pere ! Mon pere ! Prononça-t-elle amérement, pourquoi votre fille vous fuit-elle ?

Pourquoi faut-il qu'elle cherche loin de vous le repos de sa vie ? Eh que n'avez-vous ce coeur paternel qui m'auroit pû tenir lieu de tout autre bien ? Mais vous n'avez sû qu'appésantir sur moi le poids d'une injuste rigueur, je dois me dérober aux derniers coups qui consommeroient mon malheur... ne maudissez point votre fille infortunée à votre réveil, n'appellez pas sur elle la vengeance céleste... elle s'accompliroit. Elle souffre en vous quittant tout ce que l'amour a de plus douloureux, tout ce que les remords ont de plus déchirant.

Je sens combien je viole les droits du pouvoir paternel, les loix même de l'honneur : mais il n'est pas en moi de dompter ce que je sens. Je m'abandonne à des mains étrangeres... etrangeres !

Repris-je avec la plus grande vivacité ; Suzanne ! Tout vous est présentement étranger, excepté moi ; oui j'ose le dire, le nom de pere cède au nom d'époux... c'est à lui que vous êtes desormais attachée, puisqu'il répond de votre bonheur comme de vos jours ; et en prononçant ces mots, je rattachois ce couteau-de-chasse qui alloit mal : car, c'étoit pour la premiere fois de ma vie que je ceignois une pareille arme, et la belle main de Suzanne fut obligée de l'ajuster convenablement...

Partons, partons, interrompit-elle, en baissant la tête et poussant un profond soupir ; la pureté de nos sentimens me rassure ; mais il est peut-être une autre voix qui nous condamne : la société a des loix qu'il n'est pas permis d'enfreindre. Nous sommes coupables ; ah ! C'est assez de l'être sans prétendre encore à nous justifier...

Adieu, mon pere ! Elle prolongea cet adieu avec un cri qui me fit trembler et dont elle ne fut pas maitresse.

Nous étions déja hors du jardin et sur les remparts. La ville entiere étoit endormie. Nous sortîmes d'un pas hâtif.

Nous côtoyâmes pendant près de deux heures les bords du Rhin, et Suzanne gardoit un silence que toute ma joie ne pouvoit rompre. Nous trouvâmes à point nommé un bateau qui descendoit ; c'étoit une belle occasion à saisir.

à-peine embarqués, l'Alsace disparut bientôt à nos yeux. Nous nous parlions sous les doux noms de frere et de soeur : l'air modeste de Suzanne qui inspiroit encore plus de respect que d'amour, servoit à confirmer ce nom de soeur que ma bouche se plaisoit à prononcer si fréquemment. Je n'avois un coeur que pour elle, et toute la vue de ses charmes ne m'inspira jamais que ces chastes caresses que l'amour fraternel autorise et qu'il déploie en liberté à la satisfaction des ames honnêtes ; non jamais mon coeur ne s'est enivré d'un torrent de plus pures délices.



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